lundi, avril 10, 2006

implosion


Mardi dernier,je rentre guilleret dans l'atelier....
Las,las au défournage il s'avère que ma dernière production sur laquelle je m'étais échiné plusieurs séances a implosé à la cuisson.Causant au passage quelques dégâts aux oeuvres voisines....cette chose... un buste masculin formant spirale de ses bras et grimpant vers le ciel avait eu pour point de départ une photo de ballet contemporain.
Je le destinais à former la deuxième partie d'une paire sur la mystique espagnole
du XVI ème siècle.
D'une part Thérèse d'Avila dans la pose que lui donne Gérard Garouste mais entouré d'une multitude de bras et d'autre part Jean de la Croix dans cette position d'exaltation que je viens de décrire.

A sa sortie de four Jean était explosé en une dizaine de gros morceaux accompagnés de tas de petits bouts éparpillés et d'un bon bol de poussière d'argile cuite.
J'ai l'habitude d'affecter un certain détachement par rapport à mon activité de modeleur mais devant ce petit désastre,je me suis rendu compte que j'attachais en fait pas mal d'importance à ce"travail"

Je n'ai eu de cesse de raccommoder ces morceaux pour reconstituer mon Jeannot .Aujourd'hui le recollement en est à son terme et tout l'intérieur qui était totalement pulvérisé a été remplacé par du plâtre...J'espère bien voir la renaissance prochaine du couple en question.
La raison de cet accident est mystérieuse:trop grosse bulle d'air ou séchage insuffisant...cela m'était déjà arrivé avec un grand chien couché dont il ne me reste que la tête.


Aujourd'hui je voudrais parler de la fascination de la laideur,de l'horrible ,du difforme ,du monstrueux pour" un artiste"...parfois je sens chez mon "spectateur" comme une réaction de recul...
Faut-il être bien fêlé soi-même pour exprimer des choses pareilles
...que nenni,il n'y a là ni bargerie ni manifeste simplement le fait que la beauté n'a pas besoin de moi pour être admirée ni rendue...il me semble bien plus intéressant de rendre la beauté de ce que l'on considère comme laid...je n'invente rien en ce domaine ,d'autres s'y sont essayé avec des fortunes diverses parfois en côtoyant dangereusement l'abîme à force de vouloir l'exprimer....
je ne vais pas jusqu'à cette limite.
Ce qui me plait c'est de rendre toute la tendresse contenue dans des figures humaines qui n'ont pas eu la chance de naître si parfaites qu'une sculpture grecque .
Aussi admirable qu'elle soit; à celle-ci il manque souvent cette part de nous même qui nous rend beau dans tout notre être :la tendresse humaine...dans la beauté du laid il n'y a pas la dimension tragique de l'éphémère,de ce qui va
passer si vite.
Car cela est déjà passé...au loin et à jamais...il reste alors le plus nu que le nu.le plus intime que l'intime.C'est cela que j'ai voulu faire avec cette statue que m'a inspiré une oeuvre de
Joel-Peter Witkin : La femme qui fût un oiseau.
Son oeuvre peut être insoutenable et dérangeante ...et dans cette démarche parfois trop formelle devenir anecdotique ou décorative(mot terrible si l'on sait que son matériel de prédilection;il le trouve dans les monstres humains et dans la mise en scène de cadavres ...
Il n'empêche.là dans cette photo de femme si l'on se dégage d'une certaine mise en scène ...il y a une femme sans bras rendue miraculeusement belle.
Ce qui passe pour laid concourt à la perfection de tout .

Marc Aurèle

et nous verrons bien si l'accident de mon Jeannot lui donnera finalement une beauté plus rare et plus émouvante...
et puis allez dire à un enfant que sa mère,son père sont laids ...ou à une mère,un père que son enfant est laid...ensuite prenez un miroir et regardez vous dedans...à votre avis qui est le laid ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

quand tu parle de ton travail sans t'egarer dans le mysticisme et que tu fini par parler de toi c'est tres beau!